The Strokes

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Kynerion
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Message par Kynerion »

Rappelez-vous, The Strokes. Ils débarquent de New York en 2001 avec un premier album, "Is this it", bluffant. Avec eux, les critiques s'emballent : on parle de renouveau du rock, et de la déferlante des groupes en "the" qui s'en suit. Car oui, The Strokes sont les pionniers d'une époque qui continue de produire des groupes et des albums d'un genre particulier, le "revival-rock" sans connotation péjorative, pas simplement de la copie mais de la réinvention. Ou alors de quoi fournir un âge d'or au gens qui n'étaient pas nés... à l'âge d'or du rock, s'il est possible de le situer et même de l'arrêter précisément. Pour tout cela, peut importe comment vieillit "Is this it", c'est un album culte qui ne peut que rappeler des souvenirs forts à ceux qui l'ont découvert à sa sortie.

En 2003, rebelote, dans une moindre mesure cependant, avec "Room on fire". Il s'agit d'un "album de garde" (comme le vin), tant la première écoute peut faire moins sensation puisque depuis "Is this it" les groupes de la mouvance ont proliféré (je refuse de citer ma source mais on compte parmi eux Hot Hot Heat, Rapture, Liars, Radio 4, The Libertines, Kills, Interpol, Black Rebel Motorcycle Club, Yeah Yeah Yeahs, Kings Of Leon et les White Stripes). Avec le temps, "Room on fire" révèle tous ses arômes, supportant allègrement la comparaison avec son prédécesseur. Le titre "The end has no end" manque de peu d'être le single de l'année 2004 sur Onlike, fortement aidé par une publicité pour EDF...
The Strokes montre encore sa hargne et son professionnalisme sur ce deuxième album, priant gentiment Nigel Goodrich (producteur de Radiohead) d'aller polluer d'autres albums. Oui, je persiste à croire que plein de bons groupes n'ont pas besoin de Goodrich, ni même des membres de grands groupes avec John Lennon... :rolleyes:

Et revoilà The Strokes en 2006, avec le très attendu (euphémisme) "First impressions on Earth". Alors comme d'habitude je peux aimer un groupe et ne pas me retenir de critiquer négativement un single, en l'occurence ici "Juicebox", plutôt criard voire même vulgaire. Mais le clip me laisse à penser que l'impression est voulue, alors je leur laisse le bénéfice du doute (bien que ça ne change pas le contenu du morceau).

Et comme il est bon d'avoir d'autres avis pour balancer cet impérialisme administratif, voici à boire et à manger, de l'image et du son, avec la vidéo de "Juicebox" gracieusement offerte sur l'autel du téléchargement.

clip de Juicebox (format .mov, 57Mo)

A très vite avec The Strokes. ;)
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radiopyramidheadsong
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Message par radiopyramidheadsong »

Oui bah j'ai même pas tenu une journée et j'ai l'album en "avant premiere" dirons nous.

Tout d'abord je précise que j'adore le single juicebox (l'entrejambe de drew barrymore selon casablancas) qui montre la volonté du groupe de changer de son et offre un titre catchy et puissant à souhait.

Mais revenons à l'album, déja il est long, tres long même pour un album des strokes. Voyez donc, 14 titres donc aucun ne passent jamais sous la barre des 3 minutes, c'est limite du marathon par rapport aux habituelles 11 pistes de 2 a 3 min. Ensuite, et comme le laissait entrevoir le single, le son du groupe à changé. La voix est bien plus mise en avant, le son vintage est limite passé à la trappe et les influences ont changées. Ce first impression on earth est certainement l'album le plus ambitieux du groupe, les compos gagnent en complexité et se diversifient mais ne sont pas toutes au même niveau.

Alors que casablancas confirme son statut de songwriter majeur de la scène rock actuelle avec des titres comme razor blade, Iz of the world ou you only live once, il perd un peu de sa splendeur en s'aventurant sur des terrains qu'il ne connait encore pas très bien. Qu'importe au moins il essaye (et le groupe avec lui) d'aller vers autre chose, de changer une formule qui a déja porté les strokes là où ils sont, et c'est tout à leur honneur. On notera également le côté gros son qui va en surprendre plus d'un.

De prime abord (seulement une écoute) First impression on earth semble très bien remplir son contrat de 3eme album, non pas en etant une tuerie indiscutable mais en representant le pas en avant d'un groupe qui avait déja mis tout le monde d'accord en 1 album. L'album est plus long et plus lent, fini la nervosité, les titres serrés et expédiés fiévreusement, les strokes approfondissent leur musique au dépend de la densité, n'empêche ils restent quand même une bonne coudée au dessus de la vague revival.
Dernière modification par radiopyramidheadsong le 03 déc. 2005, 02:25, modifié 1 fois.
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grrrr
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Message par grrrr »

Je suis raide amoureuse de You Only Live Once!! :wub:


Sinon, concernant l'album, je suis de plus en plus étonnée en l’écoutant… Etonnée de ne plus du tout les reconnaître sur certains morceaux… toujours de la pop assez sophistiqué mais qui perd un peu cette rigidité rythmique un peu froide qui faisait partie intégrante de leur style et qui faisait qu’on reconnaissait The Strokes immédiatement… Aucune péjoration là-dedans, mais pour le coup leur musique prend beaucoup plus de relief, de nuance, la voix de Julian aussi… Alors en effet, c’est assez inégal mais il y a quand même des mélodies imparables, des belles progressions sur certains titres et pas mal de singles potentiels… Juicebox bien sûr, Razorblade, Heart In A Cage, 15 minutes, Vision of division, Electricityscape, Evening SunYou Only Live Once est tubesque !!!!

Je l’aime cet album ! (déjà un album dans ma liste des albums 2006 :D )

Par contre j’ai du mal à accrocher pour le moment sur Killing Lies, Fear Of Sleep et Ask Me Anything... :/
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grrrr
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Message par grrrr »

Attention! Attention! De l'info et de la bonne!

Diffusion du concert du 6 décembre dernier à Amsterdam de The Strokes sur Ouï Fm le dimanche 8 janvier à 21h.


Et en live, les titres de First Impressions of Earth... C'est du lourd!!! :cool:
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grrrr
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Message par grrrr »

oh ben... c'est vraiment l'évenement! Ouï Fm s'est fait doublé puisque le même concert sera diffusé sur Le Mouv' le 6 janvier à 20h00...

(mais Ouï Fm c'est mieux! ;) )
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Mg
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Message par Mg »

Oui OuiFm c'est mieux, j'avais remarqué aussi que les deux radios se font concurrence un peu là.

Sinon les Strokes ouai c sympa. Remarquez la justesse du commentaire.
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Message par Mg »

Ah que y avait déjà du live des Strokes Hiereuh soireuh sur OUIFM. Ah que sans doute ils ont voulus devancer le Mouveuh. voila. c'était bien.
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Message par grrrr »

Rôôô quelle arrogance, il y a encore mieux! C'est encore noël les enfants: UN LIEN !! :whah:

[url=rtsp://streams.vpro.nl/pac01/25521821/surestream.rm?start=0:0:0&end=0:0:0&title=The]The Strokes - Concert Amsterdam[/url]


(psssst... You Only Live Once c'est à 41'40'' :) )
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Kynerion
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Message par Kynerion »

Firefox ne peut pas ouvrir ce lien... :(
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Message par grrrr »

Chez moi ça marche, il faut fouiner dans tes options ou sinon ouvrir ton realplayer et lui demander de lire le media de cette adresse: rtsp://streams.vpro.nl/pac01/25521821/surestream.rm?start=0:0:0&end=0:0:0&title=The
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Mg
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Message par Mg »

real player?
non merci.
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Kynerion
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Message par Kynerion »

Mg a écrit :real player?
non merci.
+1. :)
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Fuck
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Kynerion
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Message par Kynerion »

c'est celui qui dit qui y est
toi-même²
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Message par grrrr »

Petite revue de presse sur First Impressions of Earth
presse française, parution sur le net

une chose est sûre... la consécration est unanime...


ROCK & FOLK (12/05)
Si le retour du rock devait s’arrêter net il ne resterait qu’un groupe. The Strokes. Pour la culture, le look, les touches de gosses de riches légèrement déchirés. Pour la constance à trousser des chansons cool en surface et vénéneuses à l’intérieur comme " Last Nite ", " New-York City’s Cops ", " Reptilia", " The End Has No End ". Contrairement aux idées reçues le gang de Julian Casablancas n’a pas uniquement aidé à augmenter les ventes de Converse. Le groupe de New-York n’a jamais su faire qu’une chose : construire des mélodies idéales autour d’une dynamique élastique. Peut-être la meilleure utilisation de la mélancolie urbaine depuis The Velvet Underground, The Smiths ou Blondie. Peut-être aussi la dynamique la plus fiévreuse depuis les Pixies. Ce qui manquait aux Strokes c’était une production. A entendre le son monstre de " First Impressions Of Earth " on se dit que David Kahne (producteur de Tony Bennett et, hum, The Bangles) a réussi à faire évoluer The Strokes. Sur les précédents " Is This It ? " et " Room On Fire " restaient coincés dans leur power pop " too cool for the school ". Maintenant, J.C et ses apôtres chevelus cherchent l’aventure. Ce genre d’émancipation rappelle (en moins spectaculaire) l’appel du large qu’a connu Radiohead à partir de " O.K Computer ". A l’arrière, une section rythmique aux yeux rougis, hagarde, privée de sommeil depuis trop longtemps. Sur le devant, deux guitares qui se toisent et se défient en accélérations continuelles. Au milieu, une voix traînante, grave. A moitié hautaine, à moitié dépressive. Une voix de crooner sous Xanax secouée de flashes paranoïaques. Dans " First Impressions Of Earth " c’est cette voix qui impressionne le plus. Libérée d’une saturation de micro systématique, elle dévoile toutes ses possibilités. Parfois la voix de Julian Casablancas évoque le Iggy Pop période " The Idiot ". Parfois c’est le Billy Idol de " Dancing With Myself ". Ce qui confirme la sensation: " First Impressions Of Earth " est un vrai album de new wave. Superficiel et efficace (les nouveaux tubes " Electricityscape " ou " You Only Live Once ") autant que violent et déterminé (" Juicebox " évoquant le " Planet Of Sound " des Pixies). Il y a le mauvais goût assumé des solos de guitares lorgnant sur le heavy-metal F.M (" Vision Of Division "). Il y a des motifs electro aux sonorités presque Novö (" Ask Me Anything " pop étrange qu’on jurerait tirée d’un rêve androïde à la Brian Eno). Il y a un hymne malade commençant comme une chanson à boire des Pogues et se vautrant dans un chaos Libertines (" 15 Minutes "). Mieux, on entend ici les premières poussées de nihilisme chez The Strokes. " I hate them all… I hate myself… " hurle Julian Casablancas sur " On The Other Side ". Somnambulisme, poussière d’ange, néons aveuglant : voilà les visions de ce disque. Quand le retour du rock sera mort, il ne restera finalement que ça : les chansons de rage élégante signées The Strokes... Patrick Bateman, le yuppie serial killer des romans de Bret Easton Ellis, aurait adoré " First Impressions Of Earth ". Grand disque pour pensées noires et nuits blanches.

Jean-Vic Chapus
LES INROCKUPTIBLES (11/01/06)
Troquant l’aide du fidèle Gordon Raphael (présent sur seulement trois titres) contre celle du producteur David Khane, les Strokes ont posé dans First Impressions of Earth plusieurs petites bombes atomiques. On y retrouve le génie originel du groupe, capable de composer, avec pas grand-chose, des pépites pop comme You Only Live Once ou Razorblade, contre lesquelles il est totalement vain de lutter. Des singles qui réjouiront autant les vieux fans du Marquee Moon de Television que les financiers des maisons de disques.

A l’heure où l’on ne sait toujours pas qui représentera la gauche à la présidentielle de l’année prochaine, on peut d’ores et déjà parier que la collaboration Strokes-Kahne emportera les élections du duo rock de 2006. Sur First Impressions of Earth, on entend en effet plus de guitares qu’à n’importe quelle convention Gibson. En ce sens, Casablancas et ses potes viennent de composer l’album parfait, le disque que les petits microbes de Muse n’ont jamais réussi à faire et que seuls les Queens Of The Stone Age seraient capables d’écrire un jour s’ils cherchaient à convertir aussi les petites copines de leurs fans.

Tout le monde aura parfaitement raison, le nouvel album des Strokes sonnant comme la somme de ses deux prédécesseurs avec trois fois plus d’enceintes dans le salon. Nick Valensi, qui a d’ailleurs fini par prêter son nom à la marque de guitare Epiphone, y triture son engin pendant presque une heure tandis que l’ogre Hammond, derrière ce qu’on est en droit de considérer comme une coupe afro-rock, assure comme une bête.

Plus tard, on entend même un titre des Strokes sans guitares, ce qui est un peu comme une chanson de Céline Dion sans René, sauf que le résultat est, pour le coup, vraiment titanesque : sur Ask Me Anything, la voix de Casablancas accompagne des boucles de claviers et, avec des intonations dramatiques à la Lou Reed, demande à tout le monde de ne pas être des noix de coco. Soit. Plus tard, Casablancas fait sa Debbie Harry sur un On the Other Side aux paroles fabuleuses, avant de partir courtiser un public encore étranger : avec 15 Minutes, les Strokes osent le chant de marin – et tous les pêcheurs devraient porter la Converse dès le mois de février.

C’est ensuite avec le dingo Electricityscape que la troupe parvient à concilier les deux ingrédients de sa recette magique : un refrain à la mélodie comme on en entend tous les deux ans et des cascades de guitares à gogo qui font qu’à la fin on ne sait plus vraiment qui on est. Même émoi à l’écoute du génial Ize of the World, dont le solo de guitare devrait obtenir une place d’honneur dans le cœur des gens qui, habituellement, se moquent des solos de guitare – et qui ont bien raison.

En prêtant leur titre The End Has No End à une publicité pour EDF, les Strokes se sont offert des places VIP sur les radios françaises. “Nous vous devons plus que la lumière”, disait la pub il y a deux ans. Avec First Impressions of Earth, les Strokes n’attendent plus qu’une chose : foutre le feu.

Johanna Seban
LE MONDE (31/12/05)
"Les mélodies abrasives de "First Impressions of Earth"
Troisième album des Strokes, First Impressions of Earth élargit à temps des horizons qui semblaient aussi rétrécis que les jeans portés par ces New-Yorkais.
L'impact, désormais historique, des Strokes s'est décidé sur l'étroitesse volontaire d'un parti pris. Une façon d'étrangler des guitares et une voix, de ronger les mélodies à l'acide punk, de dénuder un rock menacé d'embonpoint.

A la suite de leur coup d'essai — et coup de maître —, Is This It ?, encouragés aussi par les disques radicaux de combos comme les White Stripes ou The Rapture, des dizaines de groupes ont fleuri outre-Atlantique et outre-Manche, retrouvant foi dans le sex-appeal d'une musique quinquagénaire.
En reproduisant à l'identique la sécheresse de cette première production, Room on Fire, second chapitre de leur discographie, semait le doute sur la capacité du quintette à transcender cette étincelle originelle.
First Impressions of Earth fait sauter ce carcan. On retrouve dans ce nouvel album l'ironie abrasive caractéristique du chant de Julian Casablancas, parfait émule de Lou Reed, une façon de trousser des mélodies entre tension sarcastique et mélancolie pop. Mais les musiciens semblent jouir pour la première fois de la puissance de leurs instruments.
Les guitares de Nick Valensi et d'Albert Hammond Jr s'épanouissent dans des breaks et soli n'hésitant pas à côtoyer la violence du metal, la bizarrerie majestueuse des Pixies (Vision of Division), comme la power-pop de Blondie (Electricityscape). Single ébouriffant, Juicebox est conduit par une basse contondante sur un rythme rappelant Peter Gunn ou le Batman Theme. Ask Me Anything semble guidé par le même violoncelle qui faisait l'étrange beauté du Street Hassle de Lou Reed.
A l'instar de ses camarades, Julian Casablancas laisse enfin parler ses tripes, au point que son phrasé de dandy new-yorkais, aux textes le plus souvent désabusés, s'aventure aussi vers des élans émotifs proches de ceux de Kurt Cobain, voire de Bono (You Only Live Once, Fear of Sleep). Et si l'album se finit un peu moins bien qu'il ne commence, les Strokes se permettent de rêver leur avenir.
FRANCE 2 (11/01/06)
"Troisième round délicat pour The Strokes"
Le groupe new yorkais par qui le retour du rock est arrivé en 2001 aborde le tournant crucial de la 3e livraison
Si First impressions of earth divise les rock critics, les fans sont à peu près d'accord: ce disque, qui tente un renouvellement louable après les accusations de redite du second ("Room on Fire"), est globalement un bon cru.

Cet album démarre en tout cas pied au plancher avec une enfilade de sept titres ébourriffants. Le reste est plus mitigé.
"On a décidé d'essayer des choses différentes", déclarait récemment le chanteur Julian Casablancas à Libération. "On nous a reprochés de déjà nous reposer sur nos lauriers. Alors nous avons voulu monter d'un cran, avec un son plus ambitieux, plus d'espaces entre les instruments."

Résultat, ce disque montre une évolution nette sur plusieurs plans et en particulier sur le chant de Julian Casablancas, affirmé, et la guitare de Nick Valensi, qui se lâche, déployant ses mélodies tournoyantes et donnant de bons coups de griffes ici et là révélateurs de son amour caché du heavy metal.

Julian Casablancas mène le jeu tout du long de sa voix de crooner nasale et détachée, à peine cassée, mêlant successivement à sa propre personnalité les accents d'Iggy (Heart in a cage), Lou Reed (sublime Ask me anything), Bono (On the other side) et même Kurt Cobain.

Rien à redire donc pour les sept premiers titres, à la fois pop et abrasifs, plus fouillés que par le passé et loin au dessus du lot. Ensuite, juste un peu moins de muscle et d'inspiration, mais rien de déshonorant. Un tournant donc plutô bien négocié au 3e album, en attendant les concerts. Où il est interdit de déchoir.
Laure NARLIAN
LE FIGARO (02/01/06)
"The Strokes : les garçons sont devenus grands"

NICK VALENSI, un des deux guitaristes des Strokes, est assez à l'aise pour concéder aux White Stripes «un impact énorme sur la musique de l'époque, une contribution au moins égale à la nôtre». Vanité ? Certainement pas ! Personne aujourd'hui dans le rock n'ignore quels sont sa place, son rôle, sa position dans la hiérarchie perpétuellement mouvante des musiques populaires occidentales. Les Strokes se positionnent donc au niveau des White Stripes. Et les autres ? Eh bien peut-être ne restera-t-il que les Strokes et les White Stripes de cet émerveillement électrique du début de ce siècle, que l'on a appelé «retour du rock» à défaut d'un vrai nom de baptême.
Et les Strokes ouvrent majestueusement l'année rock avec la sortie aujourd'hui de First Impressions of Earth (chez Sony-BMG), troisième album qui répond assez bellement aux questions dubitatives que suscitaient leurs deux premiers disques. Car Is This It ? (2001) et Room On Fire (2003) réveillaient de manière si explicite les mânes du Velvet Underground et de Television que l'on se demandait si le groupe new-yorkais saurait échapper à ses sources.
Donc, 2006 commence par cette belle nouvelle : les Strokes ne sont pas seulement des gamins qui regrettent de n'avoir pas vécu les années 70. Et, même, First Impressions of Earth dévoile un territoire singulièrement vaste, d'un ton pop vigoureusement insolent à des chansons ficelées pour l'autoradio, d'un rock lyrique et ambitieux à des hymnes pour chambre d'ado. «Avec ce disque, l'esprit est plus ouvert, nous avons laissé s'exprimer beaucoup d'influences, nous avons joué beaucoup plus librement, résume Nick Valensi. Les deux premiers albums étaient plus stricts. Sur les deux premiers albums, le son était plus étroit, ne venait pas de partout mais se concentrait sur une seule gamme de fréquences. Ici, il y a plus de choses périphériques.»
Tous fils de belles familles
Dans le carnaval d'egos du rock contemporain, les Strokes ont cet avantage promotionnel que les cinq membres du groupe, tous fils de belles familles et des meilleurs collèges privés de Manhattan (le chanteur et compositeur Julian Casablancas est le fils du patron de l'agence Elite, le guitariste Albert Hammond Jr est le fils du riche songwriter Albert Hammond), sont tour à tour porte-parole du groupe. Ainsi, Nick Valensi, brillant guitariste, 25 ans dans quelques jours, New-Yorkais né d'une fille de vigneron trop à l'étroit dans le Bordelais et d'un Tunisien qui avant de mourir lui a appris sur sa première guitare, il avait alors 10 ans, les accords de La Bamba et l'intro de Pretty Woman de Roy Orbison. «Il y a eu un vide à la fin des années 90. Le rock qui passait à la radio et sur MTV était affreux – une musique en colère, mi-hurlements mi-rap. Or les gens n'ont pas cessé d'aimer le rock des années 60 à 80, le Velvet Underground, les Stooges, Iggy Pop, Lou Reed, Talking Heads, Blondie, les Ramones, toute cette musique que, pour des raisons diverses, plus personne ne jouait dans les années 90. C'est la musique que nous aimons, c'est la musique que nous avions envie de jouer. Et cela a été une chance : nous nous sommes retrouvés à jouer une musique que plus personne ne jouait.»
Evidemment, tout suit : hype, succès et gloire. «Au bon endroit au bon moment avec le bon son», les Strokes incarnent le retour aux bonnes vieilles valeurs de la simplicité mélodique, du riff serré, de l'énergie sans apprêt. «Mais, maintenant, quand vous écoutez la radio, vous n'entendez que ça, des groupes qui jouent fin 70-début 80, la new wave, le post-punk. Alors, consciemment, nous nous en éloignons parce qu'une des ambitions de ce groupe est de ne pas sonner comme ce qu'on entend à la radio. C'est pourquoi ce disque ne rappelle pas quelque chose, mais un million de choses différentes.»
Les scrogneugneus s'agacent de ce que ces jeunes gens, tout en mimant l'élan et la fringale des grands précurseurs d'il y a quelques dizaines d'années, n'en aient guère le panache délétère. Peut-être les aurait-on préférés cramés en une tournée ou consumés par les tentations, comme tant d'autres avant eux. «Si nous ne savions pas tout ce que nous savons sur les groupes qui nous ont précédés, nous serions probablement, à cette heure-ci, vautrés quelque part, bourrés et défoncés. Nous savons quels sont les pièges : la drogue, l'ego, l'album avec douze cuivres et plein de choristes...»
Des résolutions personnelles et collectives
Et le virage de First Impressions of Earth sonne, sinon comme un mea culpa, du moins comme un écart par rapport à une trajectoire potentiellement dangereuse. Il ne s'est pas seulement agi d'ouvrir largement la palette des plaisirs et du son pour échapper à la redite, mais aussi de prendre des résolutions personnelles et collectives : «Au début, nous avons fait des erreurs – trop d'alcool, trop de fête, trop de temps perdu à glander dans le bus de tournée en buvant des bières plutôt qu'à travailler sur de nouvelles chansons. Alors, nous avons décidé d'être plus concentrés, d'écrire de la musique en tournée, ce que nous n'avons jamais réussi à faire jusqu'à présent.»
«Individuellement, il nous est arrivé plein de choses : depuis Room On Fire, il y a eu des mariages, Nikolai Fraiture (le bassiste des Strokes) a un enfant, nous sommes tous engagés dans des histoires stables... Maintenant, ce n'est plus «les gars, venez dormir sur mon canapé, on va se saouler et aller au cinéma», mais «venez à la maison pour un bon dîner». C'est plus mûr, plus civilisé. C'est ce qui arrive quand on grandit, que l'on soit ingénieur ou que l'on joue dans un groupe de rock.»

Bertrand Dicale
TELERAMA (04/01/06)
"Très pop sur eux"

On peut être né dans le luxe et fabriquer un excellent rock. La preuve avec ce très chic groupe, emblème de l'efficacité made in New York.
On n'avait jamais remarqué qu'il chantait aussi bien. Aussi fort, ça, oui, on le savait. Mais aussi précisément, aussi juste ? Décidément, il ne manquait plus que ça : Julian Casablancas en chanteur accompli, en expert du micro! Le jeune New-Yorkais avait déjà tout le reste, la panoplie complète de la vraie star d'aujourd'hui. Un visage d'ange coquin (Marlon Brando au même âge, 27 ans), monté sur un corps d'athlète tranquille. L'attitude naturellement « classe » et détendue du type qui sait que sa bonne étoile lui a sorti le grand jeu (fils de bonne famille, papa fondateur de l'agence de mannequins Elite, maman Miss Danemark 1965). Casablancas le bien né. Et précoce, avec ça ! Chef de gang des Strokes, couronnés dès leur tout premier album, Is this it, en 2001. Meilleur nouveau groupe électrique de l'année, dans la catégorie refrains au sucre - pop-rock à sucer, fondant assuré. Mais aussi, au-delà de la musique, premier prix dans la catégorie « regarde un peu comme j'suis beau dans mes habits de rebelle » (jeans déchirés, baskets en lambeaux). On a l'air de se moquer, on est juste un peu jaloux : les Strokes sont beaux et jouent du rock comme les Brésiliens au football. Ça a l'air simple, vu de loin.

Malins comme des renards, ces Strokes. Capables d'écrire des rengaines qu'il est juste impossible de ne pas aimer. Des trucs qui collent aux oreilles. Qui vous reviennent la nuit. Et finissent en bande-son de publicités même pas énervantes. Jamais des chansons follement révolutionnaires, en fait. Plutôt des sortes de « standards » immédiats, des équations incontestables : une base rythmique efficace et sexy, deux guitares enthousiastes, des mélodies à prise instantanée. Alors voilà maintenant que Casablancas se met à chanter comme un as ! Depuis près d'une heure, il trône sur la scène d'El Sol, une petite salle de Madrid où son groupe présente, en avant-première et pour trois cents privilégiés, des chansons de son nouvel album, mêlées aux tubes des deux disques précédents. Une sorte de tour de chauffe, devant un parterre de Madrilènes sévèrement rouflaquettés (les hommes) ou connaissant les paroles par coeur (les femmes). Une heure, donc, que Casablancas pousse sa voix dans ses retranchements, sans accrocher la moindre fausse note ou donner l'impression de peiner.

Cette voix d'amoureux éconduit, de romantique un peu sonné, rappelle parfois celle de l'Anglais Morrissey, qui fut, avec les Smiths ou en solo, le meilleur technicien vocal des années 80-90. Même phrasé qui prend son temps. Même éloquence quasi monarchique. Même manière, surtout, de laisser les guitares prendre les devants, et d'attendre un temps ou deux avant de se lancer sous le soleil, les mains dans les poches. Si Casablancas s'est replongé dans la discographie de Morrissey, alors ses copains des Strokes ont écouté derrière la porte et n'en ont pas perdu une miette. Sur les chansons du tout neuf First Impressions of earth, on est frappés par l'intelligence du jeu, l'organisation de l'espace, l'art de colorer le spectre sonore. Les Strokes seraient-ils devenus des sortes de Smiths américains ? En tout cas, le groupe a renouvelé son intérieur. Non seulement les fondations basse-batterie sont plus solides que jamais, mais en plus la couleur des moquettes et des papiers peints varie d'une pièce à l'autre. Preuve que Casablancas écrit mieux, plus finement. Et signe qu'Andy Wallace, l'ingénieur qui a mixé les chansons, a obtenu les pleins pouvoirs : sous la houlette de ce grand nom du mixage (Nirvana, Rage Against The Machine...), le son hier ramassé des Strokes s'affiche en CinémaScope total. Fait d'autant plus remarquable que leur second album, Room on fire (2003), lui, n'avait guère renouvelé la grammaire pratiquée sur l'initial Is this it de 2001. Cette fois, les climats peuvent même varier trois ou quatre fois au sein d'une même chanson, fait assez rare en ces temps de (pas si) nouveau rock'n'roll en noir et blanc.

Sur scène aussi, les progrès sont éloquents. Autrefois un peu brouillon, parasité par la pause et la peur de mal faire, le jeu des Strokes s'est magnifiquement épaissi. Aux côtés de Casablancas, le guitariste Nick Valensi fait un travail considérable, proche, là aussi, de ce que faisait Johnny Marr avec les Smiths : ses mélodies sont des serpents qui tournent autour de leur proie, sans jamais porter le coup fatal. A la batterie (le très créatif Fabrizio Moretti) comme aux six-cordes (Valensi joue les thèmes, Albert Hammond Jr enfonce les temps), les Strokes ont troqué dix tonnes de muscle épais contre dix tonnes d'élégance assurée.

Avant Madrid, les joyeux New-Yorkais, plus détendus que jamais, étaient passés par Paris. Là aussi, concert de chauffe pour un public veinard, et quelques interviews pour parler de First Impressions of earth. Devant nous, avachis juste ce qu'il faut, Casablancas et Moretti, copains depuis la cour de récré (la Dwight School de New York, pas franchement une ZEP). Le second partage sa vie avec l'actrice Drew Barrymore. Le premier, on ne sait pas, mais les candidates ne doivent pas manquer. « En fait, je me suis marié début 2005, corrige-t-il. Mais je doute que ça intéresse grand monde. »

Ne pas compter sur ces garçons pour intellectualiser quoi que ce soit. Se sentent-ils héritiers d'une sorte de Graal rock, un savoir-faire ancestral dont ils auraient hérité par une nuit sans lune ? « C'est justement la question que je ne veux pas me poser, se plaint Casablancas, souriant malicieusement. Si je commence à nous comparer à d'autres, je suis foutu, non ? Si on parle des Beatles, des Stooges, on est forcément perdants. Parce que l'époque a changé, que l'innocence est perdue. Ces groupes-là pouvaient foncer à l'instinct. Tout était à inventer. Alors que nous on vit dans ce monde saturé de sons, d'images, d'information. » Moretti en remet une couche, flairant l'aubaine : « Le truc le plus cool qui soit, c'est peut-être de se taire, de ne pas en rajouter dans ce vacarme. Je déteste les groupes de rock qui se sentent autorisés à la ramener sur tout. »

Les Strokes, ou l'art de ne pas dire grand-chose, mais de le dire très bien. Personne n'ira traduire au mot près les paroles souvent obliques et codées des chansons de Casablancas. Ce qu'il raconte, on s'en fiche, aussi longtemps qu'il fait ça avec grâce et panache. « Je voudrais juste que tout le monde comprenne qu'il y a beaucoup de travail derrière tout ça. Ecrire des mélodies qui parlent aux mômes de seize ans comme à leurs parents, ce n'est pas un truc qui me vient comme ça, en claquant des doigts. Il y a des centaines d'heures de recherche et de remise en question derrière ce nouveau disque. » Alors, bien sûr, il est d'accord quand on lui dit que First Impressions of earth est le plus abouti de leurs trois albums. D'accord aussi quand on lui dit qu'il chante mieux que jamais, qu'on se réjouit qu'il soit venu à bout de sa timidité passée, de ce besoin d'enfouir sa voix sous les guitares. « La vérité, c'est que je n'étais pas tout à fait prêt il y a cinq ou six ans, quand tout a démarré pour nous. Je n'aurais jamais pensé que ça irait aussi vite. »

Mais pouvait-il en être autrement ? Les Strokes, hypothèse grotesque, auraient-ils pu connaître autre chose que le succès ? Non seulement ils sont doués, mais en plus ils sont tombés au bon moment. Rappelez-vous, 2001, le retour du rock. Leurs copains White Stripes, plus portés sur le blues. Et eux, les Strokes. L'efficacité pop-rock made in Manhattan. Le bon goût mélangé du bitume brûlant et du cuir râpé, mais en version XXIe siècle, édulcorée et habilement « marketée ». En fait, Casablancas et les Strokes incarnent parfaitement le New York d'aujourd'hui. Une ville propre et branchée. Les musiciens du Velvet Underground (60's) et de Television (70's) avaient démarré fauchés, et l'étaient longtemps restés. Ils vivaient au milieu des « outlaws », des junkies. Les Strokes, eux, sont nés dans des draps de soie et ne doivent pas trouver beaucoup de seringues dans le hall de leur résidence avec gardien casquetté. Ça ne retire rien à leur talent, mais c'est ainsi, New York a changé : l'ancien maire Giuliani l'a karchérisé, et l'actuel, Bloomberg, s'est occupé du séchage. Le rock, lui aussi, a changé, et Casablancas ne trouve rien à y redire. « Je suis conscient que ce que nous faisons aujourd'hui, cette musique, ces concerts, s'apparente plutôt à de l'"entertainment", du divertissement. Nous ne sommes plus là pour changer la vie des gens, comme les rockers de la première génération, mais juste pour essayer de mettre un peu de bonne musique dans leur quotidien. » A la sortie de leur premier album, en 2001, le critique rock français Philippe Manoeuvre avait dit ça très bien, d'une phrase-slogan restée dans les annales : « Les Strokes : ils ne changeront pas votre vie, mais ils pourraient vous faire changer de baskets. »

Quatre ans plus tard, leurs baskets sont toujours aussi trouées (so very very chic !), et effectivement, en Amérique comme en France, dans la cour des lycées, le fameux « look Strokes » s'est trouvé des millions d'émules. Mais attention ! Il serait stupide de réduire le fier quintette à une affaire pour midinettes, ou à un sujet illustré pour magazine féminin voulant « faire jeune ». Les Strokes, à l'heure d'un troisième album qui épatera même les sceptiques et devrait démoraliser la concurrence pour quelques années, ont pris une épaisseur étonnante, sans nous assommer de poncifs (U2) ou frimer comme des Anglais (Oasis). Ecoutez First Impressions of earth, ces quatorze chansons - dont trois ou quatre tubes certifiés - aux mélodies ravageuses. Ça se fredonne, ça se sifflote, ça s'insinue l'air de rien. Après tout, pourquoi demander plus au rock, ce cinquantenaire hypersympa (en baskets) ?

Emmanuel Tellier
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